Maëlle Moranges nous explique comment s’adapter pour créer un environnement pédagogique optimal pour les personnes en situation de handicap. Rencontrée par l’équipe d’ALM-Formation en formation à la prise de parole en public, elle partage son expérience dans le texte proposé ci-dessous.
Enseigner à un·e étudiant·e malentendant·e sans y être formé·e peut s’avérer être un défi complexe, mais avec une sensibilisation accrue, des adaptations appropriées et une communication ouverte, il est tout à fait possible de créer un environnement d’apprentissage inclusif et gratifiant pour tous les étudiant·e·s. Pour mieux comprendre ce défi et les adaptations possibles, c’est une personne en situation de surdité, enseignante et tout juste diplômée d’un doctorat en neuroinformatique, qui vous propose à travers ces quelques lignes de partager ses expériences et suggestions pour une pédagogie inclusive.
Être malentendant·e, qu’est-ce que ça signifie?
La surdité ou hypoacousie est la diminution de la capacité à percevoir les sons. On peut mesurer cette déficience en enregistrant la détection de bruits de différentes fréquences et intensités pour chaque oreille. En France, plus de 10 % de la population fait face à une perte d’acuité auditive, mais seulement 17 % des personnes concernées portent un appareil auditif. Contrairement aux lunettes pour la vision, les appareils auditifs ne peuvent pas restaurer une audition normale pour les personnes atteintes de surdité moyenne à profonde. Par exemple, si une personne a une perte de 100 décibels pour une fréquence donnée, l’amplification de ces sons de 100 décibels serait nuisible pour la santé de l’individu. Pour vous donner une idée, 100 décibels c’est l’intensité du bruit d’un marteau piqueur.
La plupart des malentendant·e·s sont à l’aise en français et utilisent peu ou pas la langue des signes. Ainsi, beaucoup de malentendant·e·s utilisent la lecture labiale en complément de leur perception auditive réduite pour comprendre la parole : ils se basent sur les mouvements des lèvres mais également toutes les autres expressions corporelles pour saisir le sens de la communication.
La communication en milieu formation : Barrières et solutions
La communication est au cœur des enjeux pour les personnes malentendantes. Les travaux en groupe et les cours magistraux peuvent être particulièrement difficiles à vivre. Voici quelques barrières et les solutions qui peuvent être mises en œuvre pour une meilleure inclusion :
Lecture labiale : Les malentendant·e·s comptent fortement sur une lecture labiale naturelle pour comprendre le discours. L’enseignant·e doit donc veiller à parler clairement, sans exagération, en évitant de marmonner ou de chuchoter.
Il est également primordial que son visage soit toujours visible : les étudiant·e·s malentendant·e·s sont dans l’incapacité de comprendre un·e enseignant·e qui porte un masque ou qui parle face au tableau, dos aux étudiant·e·s.
Caméras et visioconférences : Lors des cours en ligne, activer les caméras des participants permet aux personnes malentendantes de lire sur les lèvres. Veiller à ce que la pièce soit bien éclairée et que le locuteur·trice soit bien visible sur l’écran.
Prise de parole en groupe : Les discussions en groupe peuvent être délicates. Encourager un tour de parole et éviter les chevauchements de voix facilitera la compréhension pour les personnes malentendantes.
Environnement acoustique : Les personnes malentendantes sont sensibles à l’environnement sonore. Limiter le brouhaha dans la salle. Privilégier des salles calmes et bien isolées évitera les distractions sonores.
Accents et aux langues étrangères : Les accents ou les langues étrangères peuvent rendre la compréhension plus difficile voire impossible. N’attendez pas d’un·e malentendant·e qu’il·elle puisse comprendre une prise de parole dans une langue étrangère. S’il s’agit d’un interlocuteur, celui-ci devra s’efforcer de parler distinctement et à un rythme modéré : avec le temps il est possible que la personne malentendante parvienne à lire sur ses lèvres. S’il s’agit d’une vidéo ou d’un audio, pensez à une retranscription écrite.
Adaptations pédagogiques pour les personnes malentendantes
Reformulation : Si l’étudiant·e vous fait répéter, il n’est pas utile de parler plus fort (quelques décibels de plus ne feront pas la différence par rapport à l’importance de sa perte auditive). Il est préférable, reformuler les phrases afin d’éviter de retomber sur l’enchainement de sons indéchiffrables pour le ou la malentendante.
Disposition de la salle : Privilégier des dispositions en cercle ou en U permet aux personnes malentendantes de voir tous les interlocuteur·ice·s et de mieux suivre les discussions.
Utilisation de ressources visuelles : Utiliser des supports visuels tels que des diaporamas, des vidéos sous-titrées et des gestes explicatifs peut aider à renforcer la compréhension.
Dialogue avec la personne malentendante : Encourager la personne malentendante à exprimer ses besoins et préférences. Une communication ouverte permettra d’ajuster les méthodes d’enseignement de manière appropriée.
Conclusion : Vers un enseignement inclusif
L’enseignement inclusif repose sur la compréhension des besoins individuels et nécessite l’adaptation des méthodes pédagogiques. Les enseignant·e·s jouent un rôle crucial en veillant à ce que les cours soient accessibles à tous les étudiant·e·s, quel que soit leur handicap. En adoptant des approches sensibles à la déficience de chacun, les formateur·ice·s contribuent à créer un environnement pédagogique où chaque personne a l’opportunité de s’épanouir et d’apprendre.
Envie d’aller plus loin ?